29.11.11

Renseignements, s.v.p.



Lorsque j'étais très jeune, mon père a eu l'un des premiers téléphones dans notre voisinage. Je me rappelle très bien la vieille boîte en bois, bien polie, fixée au mur et le petit récepteur noir, bien lustré, accroché sur son côté. J'étais trop petit pour atteindre le téléphone, mais j'étais habitué à écouter avec fascination ma mère lui parler.
Par la suite, j'ai découvert qu'en quelque part, dans ce merveilleux appareil, vivait une personne fantastique - son nom était "Renseignements SVP" et il n'y avait rien que cette personne ne savait pas. "Renseignements SVP" pouvait fournir le numéro de n'importe qui en plus de l'heure exacte.
Ma première expérience personnelle avec ce "génie dans une bouteille" s'est produite un jour où ma mère était partie chez une voisine. Je m'amusais au sous-sol et je me suis donné un violent coup de marteau sur un doigt. La douleur était terrible, mais il ne semblait pas y avoir de raisons pour que je crie... j'étais seul et personne ne pourrait m'entendre et me réconforter.
Je faisais les cent pas autour de la maison, en suçant mon doigt pour finalement arriver devant l'escalier... Le téléphone !!!! Rapidement, j'ai couru chercher le petit tabouret dans la cuisine et je l'ai traîné jusque devant le téléphone. Je suis monté dessus, j'ai décroché le combiné et l'ai placé contre mon oreille. "Renseignements SVP" dis-je dans le microphone, juste au-dessus de ma tête.
Un clic ou deux et j'entends une petite voix claire me dire: "Renseignements".
Je dis alors: "Je me suis fait mal au doigt".
"Est-ce que tu saignes ?" m'a demandé la voix.
Je lui réponds: "Non, je me suis frappé le doigt avec un marteau et ça fait très mal".
Elle me demande alors: " Peux-tu ouvrir la boîte à glace ?"
Je lui répondis que oui je pouvais.
"Alors, prends un petit morceau de glace et pose-le sur ton doigt" me dit-elle.
Après cette expérience, j'ai appelé "Renseignements SVP" pour n'importe quoi. Je lui ai demandé de l'aide pour ma géographie et elle m'a dit où se trouvait Montréal. Elle m'a aidé aussi avec mes mathématiques. Elle m'a dit que le petit écureuil, que j'avais trouvé dans le parc la journée précédente, devait manger des fruits et des noix.
Un peu plus tard, mon petit canari est mort. J'ai donc appelé "Renseignements SVP" et lui ai raconté ma triste histoire. Elle m'a écouté attentivement et m'a dit les choses usuelles qu'un adulte dit pour consoler un enfant, mais j'étais inconsolable. Je lui ai demandé: "Pourquoi les oiseaux chantent si merveilleusement et procurent tellement de joie aux familles seulement pour finir comme un tas de plumes dans le fond d'une cage ?"
Elle a probablement ressenti mon profond désarroi et me dit alors, d'une voix si calme: "Paul, rappelle-toi toujours qu'il existe d'autres mondes où on peut chanter". D'une certaine façon, je me sentais mieux. Une autre fois que j'utilisais le téléphone "Renseignements SVP", "Renseignements" me répondait la voix, maintenant devenue si familière. Je lui demande alors: "Comment épelez-vous le mot réparation ?".
Tout ça se passait dans la ville de Québec. Quand j'ai eu 9 ans, nous sommes déménagés sur la Côte nord, à l'autre bout de la province. Je m'ennuyais terriblement de mon amie. "Renseignements SVP" appartenait à cette vieille boîte en bois de notre maison familiale, et, curieusement, je n'ai jamais songé à utiliser le nouvel appareil téléphonique étincelant, posé sur une table, dans le corridor, près de l'entrée.
Même à l'adolescence, les souvenirs de ces conversations de mon enfance ne m'ont jamais quitté. Souvent, lors des moments de doute et de difficultés, je me rappelais ce doux sentiment de sécurité que j'avais à cette époque. J'appréciais maintenant la patience, la compréhension et la gentillesse qu'elle avait pour consacrer de son temps à un petit garçon.
Quelques années plus tard, alors que je me dirigeais au Collège, à Montréal, mon avion devait faire une escale à Québec. J'avais près d'une demi-heure entre le transfert d'avion. J'ai donc passé 15 minutes au téléphone avec ma soeur, qui vit toujours à Québec. Ensuite, sans penser vraiment à ce que je faisais, j'ai composé le "0" et j'ai demandé: "Renseignements SVP". Miraculeusement, j'entendis alors cette même petite voix claire que je connaissais si bien: "Renseignements".
Je n'avais rien prévu de tout ça, mais je m'entendis lui dire: "Pouvez-vous m'aider à épeler le mot "réparation ?". Il y a eu un long moment de silence. Ensuite, j'entendis une voix si douce me répondre:
"Je suppose que ton doigt doit être guéri maintenant."
Je me mis à rire et lui dit: "C'est donc toujours vous ?".
Je lui dis: " Je me demande si vous avez la moindre idée comme vous étiez importante pour moi pendant toutes ces années".
"Je me demande, dit-elle, si tu sais combien tes appels étaient importants pour moi. Je n'ai jamais eu d'enfants et j'étais toujours impatiente de recevoir tes appels".
Je lui ai dit comment, si souvent, j'ai pensé à elle au cours de ces dernières années et je lui ai demandé si je pouvais la rappeler, lorsque je reviendrais visiter ma soeur.
"Je t'en prie, tu n'auras qu'à demander Sally" me répondit-elle.
Trois mois plus tard, alors que j'étais de nouveau à Québec, une voix différente me répondit "Renseignements". J'ai donc demandé à parler à Sally. "Êtes-vous un ami ?" me demanda la voix inconnue. Je lui répondis: "Oui, un vieil ami". J'entendis la voix me dire: "Je suis désolé d'avoir à vous dire ça, Sally ne travaillait plus qu'à temps partiel ces dernières années parce qu'elle était très malade. Elle est morte il y a 5 semaines déjà".
Avant même que je n'aie le temps de raccrocher, elle me dit: "Attendez une minute. M'avez-vous dit que votre nom était Paul? " Je répondis "Oui". "Eh bien, Sally a laissé un message pour vous. Elle l'a écrit, au cas où vous appelleriez. Laissez-moi vous le lire". Ce message disait: "Dites-lui que je crois toujours qu'il y a d'autres mondes où on peut chanter. Il saura ce que je veux dire".
-- Auteur inconnu

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