3.11.17

L'enfant croyant


       O bienheureux mille fois
 L'enfant que le Seigneur aime 
Qui de bonne heure entend sa voix,
 Et que ce Dieu daigne instruire lui-même ! 

Loin du monde élevéde tous les dons des cieux
       Il est orné dès sa naissance
 ; 
Et du méchant l'abord contagieux 
N'altère point son innocence.

      Heureux, heureux mille fois
      L'enfant que le Seigneur rend docile à ses lois !

-- Jean Racine, Athalie, mis en musique par Félix Mendelssohn

Mère

Qui donc m'a donné la naissance ?
Qui me soigna dans mon enfance ?
C'est celle à qui, durant les jours,
Je pense.
O ma mère, sois mes amours,
Toujours.

Qui me chérit avec tendresse
Et pour moi travaille sans cesse ?
Qui donc sur son sein tous les jours
Me presse ?
Toi, ma mère ! ah ! sois mes amours
Toujours.

Pourrais-je par l'ingratitude
Payer tant de sollicitude ?
Que te chérir soit de mes jours
L'étude.
O ma mère, sois mes amours,
Toujours.

Quand je serai dans la jeunesse,
Tu toucheras à la vieillesse ;
Alors je soutiendrai tes jours
Sans cesse ;
Ma mère sera mes amours
Toujours.

Si jamais j'offensais ma mère,
De Dieu la céleste colère
Rendrait la suite de mes jours
Amère.
Oh ! qu'elle soit donc mes amours,
Toujours.

Mme Jules Mallet

Vie de la campagne et son bonheur en Languedoc

Heureux qui, de ses mains rustiques
Traçant de modestes sillons,
Loin des tempêtes politiques
Vit inconnu dans ces vallons !

Du mûrier cher à sa patrie
Il nourrit au fond de ses toits
Les vers changeants, dont l'industrie
File un tissu digne des rois.

Des fleurs que lui-même il cultive
L'abeille extrait son doux trésor,
Et de l'arbre où fleurit l'olive
Il fait couler de longs flots d'or.

Le chaume où s'élèvent ses gerbes,
Un épi, dit plus à ses yeux
Que l'éclat des cirques superbes
Dont Rome avait orné ces lieux.

De ces lieux même il sait à peine
Les mémorables changements ;
A ses pieds la grandeur romaine
Étale en vain ses monuments.

Il n'a point d'un oeil idolâtre
Dans Nîme observé, comme moi,
Ce merveilleux amphithéâtre
Bâti des mains du peuple-roi.

Qu'importe à sa douce ignorance?
Il bannit les voeux indiscrets.
Sur les bords qu'aima son enfance,
Il vieillit et meurt sans regrets.

Puissé-je ainsi, loin des orages
Qui m'ont si longtemps agité,
Vivre et mourir sur ces rivages
Où mes aïeux ont habité!

FONTANES

La Bible

Qui n'a relu souvent, qui n'a point admiré
Ce livre par le ciel aux Hébreux inspiré?
Il charmait à la fois Bossuet et Racine :
L'un , éloquent vengeur de la cause divine,
Semblait, en foudroyant des dogmes criminels,
Du haut du Sinaï tonner sur les mortels;
L'aune, de traits plus fiers ornant la tragédie,
Portait. Jérusalem sur la scène agrandie.

Rousseau saisit encore la harpe de Sion,
Et sonrhytlune pompeux, sa noble expression
S'éleva quelquefois jusqu'au ton des prophètes.
Imitez cet exemple, orateurs et poètes :
L'enthousiasme habite aux portes du Jourdain,
Aux sommets du Liban, sous les berceaux d'Eden.
Là, du monde naissant vous suivez les vestiges,
ïît vous errez sans cesse au milieu des prodiges.
Dieu parle, l'hommcnaît; après un court sommeil,
Sa modeste compagne enchante son réveil.
Déjà fuit son bonheur avec son innocence ;
Le premier juste expire, 6 terreur! ô vengeance!
Un déluge engloutit le monde criminel.
Seule , et se confiant à l'oeil de l'Eternel,
L'arche domine en paix les flots du gouffre immense ,
Et d'un monde nouveau conserve l'espérance.

Patriarches fameux, chefs du peuple chéri,
Abraham et Jacob, mon regard attendri
Se plaît à s'égarer sous vos paisibles tentes:
L'Orient montre encore vos traces éclatantes,
Et garde de vos moeurs la simple majesté.
Au tombeau deRachel je m'arrête attristé,
Et tout-à-coup son fils vers l'Egypte m'appelle.
Toi qu'en vain poursuivit !a haine fraternelle,
O Joseph, que de fois se couvrit de nos pleurs
La page attendrissante où vivent tes malheurs!
Tu n'es plus. O revers! près du Nil amenées,
Les fidèles tribus gémissent enchaînées.

Jéhovah les protège : il finira leurs maux.
Quel est ce jeune enfant qui flotte sur les eaux?
C'est lui qui des Hébreux brisera l'esclavage :
Fille des Pharaons, courez sur le rivage;
Préparez un abri, loin d'un père cruel,
A ce berceau chargé des destins d'Israël.
La mer s'ouvre : Israël chante sa délivrance.
C'est sur ce haut sommet qu'en un jour d'alliance,'
Descendit avec pompe, dans des torrents de feu,
Le nuage tonnant qui renfermait un Dieu.
Dirai-je la colonne et lumineuse et sombre ,
Et le désert témoin des merveilles sans nombre,
Aux murs deGabaon le soleil arrêté;
Ruth , Samson, Débora , la fille de Jephté
Qui s'apprête à la mort, et parmi ses compagnes,
Vierge encor, va deux mois pleurer sur les montagnes ?

Mais les Juifs aveuglés veulent changer leurs lois;
Le ciel, pour les punir, leur accorde des rois ;
Saiil règne. Il n'est plus, un berger le remplace :
L'espoir des nations doit sortir de sa race.
Le plus vaillant des rois du plus sage est suivi :
Accourez, accourez, descendants de Lévi,
Et du temple éternel venez marquer l'enceinte.
Cependant dix tribus ont fui la cité sainte.
Je renverse, en passant, les autels des faux dieux ;
Je suis le char d'Elie emporté dans les cieux ;
Tobie et Raguèl m'invitent à leur table :
J'entends ces hommes saints dont la voix redoutable,
Ainsi que le passé, racontait l'avenir.
Je vois, au jour marqué, les empires finir.

Sidon, reine des eaux , tu n'es donc plus que cendre!...
Vers l'Euphrate étonne quels cris se font entendre?
Toi qui pleurais assis près d'un fleuve étranger,
Console-toi, Juda, tes destins vont changer.
Regarde cette main, vengeresse du crime,
Qui désigne à la mort le tyran qui t'opprime.
Bientôt Jérusalem reverra ses enfants;
Esdras et Machahée, et ses fils triomphants,
Raniment de Sion la lumière obscurcie.
Ma course enfin s'arrête au berceau du Messie.

FONTANES