19.8.14

Qu'est-ce que l'amour ?

Quand vos mots blesseraient, c'est garder le silence ;
Quand un autre s'emporte, user de la patience ;
Quand la rumeur s'abat, défendre l'accusé ;
Quand il est malheureux, vouloir le relever ;
Quand sonne son appel, courir vers le devoir,
Fidèle et courageux quand le ciel devient noir.

-- Anonyme

18.8.14

Contentement

Car le figuier ne fleurira pas, et il n'y aura point de produit dans les vignes ; le fruit de l'olivier fera défaut, et les champs ne donneront point de nourriture ; la brebis manquera au parc, et il n'y aura plus de bœufs dans l'étable.
Mais moi je me réjouirai en l'Éternel, je tressaillirai de joie dans le Dieu de ma délivrance. L'Éternel, le Seigneur, est ma force ; il rend mes pieds semblables à ceux des biches, et me fait tenir sur mes hauteurs.

 -- La Bible (Habacuc 3.17-19)

Ineffables accents

Disons-le en passant, être aveugle et être aimé, c'est en effet, sur cette terre où rien n'est complet, une des formes les plus étrangement exquises du bonheur.

Avoir continuellement à ses côtés une femme, une fille, une sœur, un être charmant, qui est là parce que vous avez besoin d'elle et parce qu'elle ne peut se passer de vous, se savoir indispensable à qui nous est nécessaire, pouvoir incessamment mesurer son affection à la quantité de présence qu'elle nous donne, et se dire : puisqu'elle me consacre tout son temps, c'est que j'ai tout son cœur ; voir la pensée à défaut de la figure, constater la fidélité d'un être dans l'éclipse du monde, percevoir le frôlement d'une robe comme un bruit d'ailes, l'entendre aller et venir, sortir, rentrer, parler, chanter, et songer qu'on est le centre de ces pas, de cette parole, de ce chant, manifester à chaque minute sa propre attraction, se sentir d'autant plus puissant qu'on est plus infirme, devenir dans l'obscurité, et par l'obscurité, l'astre autour duquel gravite cet ange, peu de félicités égalent celle-là. 
 
Le suprême bonheur de la vie, c'est la conviction qu'on est aimé ; aimé pour soi-même, disons mieux,aimé malgré soi-même ; cette conviction, l'aveugle l'a. Dans cette détresse, être servi, c'est être caressé. Lui manque-t-il quelque chose ? Non. Ce n'est point perdre la lumière qu'avoir l'amour. Et quel amour ! un amour entièrement fait de vertu. Il n'y a point de cécité où il y a certitude.

L'âme à tâtons cherche l'âme, et la trouve. Et cette âme trouvée et prouvée est une femme.Une main vous soutient, c'est la sienne ; une bouche effleure votre front, c'est sa bouche ; vous entendez une respiration tout près de vous, c'est elle. Tout avoir d'elle, depuis son culte jusqu'à sa pitié, n'être jamais quitté, avoir cette douce faiblesse qui vous secourt, s'appuyer sur ce roseau inébranlable, toucher de ses mains la providence et pouvoir la prendre dans ses bras, Dieu palpable, quel ravissement !

Le cœur, cette céleste fleur obscure, entre dans un épanouissement mystérieux. On ne donnerait pas cette ombre pour toute la clarté. L'âme ange est là, sans cesse là ; si elle s'éloigne, c'est pour revenir ; elle s'efface comme le rêve et reparaît comme la réalité. On sent de la chaleur qui approche, la voilà.On déborde de sérénité, de gaîté et d'extase ; on est un rayonnement dans la nuit.

Et mille petits soins. Des riens qui sont énormes dans ce vide. Les plus ineffables accents de la voix féminine employés à vous bercer, et suppléant pour vous à l'univers évanoui. On est caressé avec de l'âme. On ne voit rien, mais on se sent adoré. C'est un paradis de ténèbres.

-- Victor Hugo, Les Misérables

L'Homme et la femme

L’homme est la plus élevée des créatures ;
la femme est le plus sublime des idéaux.

Dieu a fait pour l’homme un trône ;
pour la femme un autel.
Le trône exalte ; l’autel sanctifie.

L’homme est le cerveau,
la femme le cœur.
Le cerveau fabrique la lumière ; le cœur produit l’Amour.
La lumière féconde ; l’Amour ressuscite.

L’homme est fort par la raison;
la femme est invincible par les larmes.
La raison convainc;
les larmes émeuvent.

L’homme est capable de tous les héroïsmes;
la femme de tous les martyres.
L’héroïsme ennoblit;
le martyre sublime.

L’homme a la suprématie ;
la femme la préférence.
La suprématie signifie la force ;
la préférence représente le droit.

L’homme est un génie,
la femme un ange.
Le génie est incommensurable;
l’ange indéfinissable.

L’aspiration de l’homme, c’est la suprême gloire;
l’aspiration de la femme, c’est l’extrême vertu.
La gloire fait tout ce qui est grand;
la vertu fait tout ce qui est divin.

L’homme est un Code;
la femme un Evangile.
Le Code corrige;
l’Evangile parfait
.
L’homme pense;
la femme songe.
Penser, c’est avoir dans le crâne une larve;
songer, c’est avoir sur le front une auréole.

L’homme est un océan;
la femme est un lac.
L’Océan a la perle qui orne;
le lac, la poésie qui éclaire.

L’homme est un aigle qui vole;
la femme est le rossignol qui chante.
Voler, c’est dominer l’espace;
chanter, c’est conquérir l’Ame.

L’homme est un Temple;
la femme est le Sanctuaire.
Devant le Temple nous nous découvrons;
devant le Sanctuaire nous nous agenouillons.

Enfin: l’homme est placé où finit la terre ;
la femme où commence le ciel. 

-- Victor Hugo

Jeune fille

Jeune fille, la grâce emplit tes dix-sept ans.
Ton regard dit: Matin, et ton front dit : Printemps.
Il semble que ta main porte un lys invisible.
Don Juan te passe et murmure: -Impossible!-
Sois belle. Sois bénie, enfant, dans ta beauté.
La nature s'égaye à toute clarté;
Tu fais une lueur sous les arbres; la guêpe
Touche ta joue en fleur de son aile de crêpe;
La mouche à tes yeux vole ainsi qu'à des flambeaux.

Ton souffle est un encens qui monte au ciel. Lesbos
Et les marins d'Hydra, s'ils te voyaient sans voiles,
Te prendraient pour l'Aurore aux cheveux pleins d'étoiles.
Les êtres de l'azur froncent leur pur sourcil,
Quand l'homme, spectre obscur du mal et de l'exil,
Ose approcher ton âme, aux rayons fiancée.
Sois belle. Tu te sens par l'ombre caressée,
Un ange vient baiser ton pied quand il est nu,
Et c'est ce qui te fait ton sourire ingénu.

-- Victor Hugo, Les Contemplations (LIVRE III: LES LUTTES ET LES RÊVES)

Aimons toujours !

Aimons toujours ! Aimons encore !
Quand l'amour s'en va, l'espoir fuit.
L'amour, c'est le cri de l'aurore,
L'amour c'est l'hymne de la nuit.

Ce que le flot dit aux rivages,
Ce que le vent dit aux vieux monts,
Ce que l'astre dit aux nuages,
C'est le mot ineffable : Aimons !

L'amour fait songer, vivre et croire.
Il a pour réchauffer le coeur,
Un rayon de plus que la gloire,
Et ce rayon c'est le bonheur !

Aime ! qu'on les loue ou les blâme,
Toujours les grand coeurs aimeront :
Joins cette jeunesse de l'âme
A la jeunesse de ton front !

Aime, afin de charmer tes heures !
Afin qu'on voie en tes beaux yeux
Des voluptés intérieures
Le sourire mystérieux !

Aimons-nous toujours davantage !
Unissons-nous mieux chaque jour.
Les arbres croissent en feuillage ;
Que notre âme croisse en amour !

Soyons le miroir et l'image !
Soyons la fleur et le parfum !
Les amants, qui, seuls sous l'ombrage,
Se sentent deux et ne sont qu'un !

Les poètes cherchent les belles.
La femme, ange aux chastes faveurs,
Aime à rafraîchir sous ses ailes
Ces grand fronts brûlants et réveurs.

Venez à nous, beautés touchantes !
Viens à moi, toi, mon bien, ma loi !
Ange ! viens à moi quand tu chantes,
Et, quand tu pleures, viens à moi !

Nous seuls comprenons vos extases.
Car notre esprit n'est point moqueur ;
Car les poètes sont les vases
Où les femmes versent leur cœurs.

Moi qui ne cherche dans ce monde
Que la seule réalité,
Moi qui laisse fuir comme l'onde
Tout ce qui n'est que vanité,

Je préfère aux biens dont s'enivre
L'orgueil du soldat ou du roi,
L'ombre que tu fais sur mon livre
Quand ton front se penche sur moi.

Toute ambition allumée
Dans notre esprit, brasier subtil,
Tombe en cendre ou vole en fumée,
Et l'on se dit : " Qu'en reste-t-il ? "

Tout plaisir, fleur à peine éclose
Dans notre avril sombre et terni,
S'effeuille et meurt, lis, myrte ou rose,
Et l'on se dit : " C'est donc fini ! "

L'amour seul reste. O noble femme
Si tu veux dans ce vil séjour,
Garder ta foi, garder ton âme,
Garder ton Dieu, garde l'amour !

Conserve en ton cœur, sans rien craindre,
Dusses-tu pleurer et souffrir,
La flamme qui ne peut s'éteindre.
Et la fleur qui ne peut mourir ! 

-- Victor Hugo