23.11.11

La Nouvelle mère

Rien de plus joli, rien de plus touchant que l'embarras d'une jeune mère, toute neuve à la maternité, pour manier son enfant, l'amuser, le faire jouer, entrer en communication avec lui. Elle ne sait pas trop bien par où prendre le bijou, l'être adoré, mystérieux, la vivante énigme, qui gît là et semble attendre qu'on le remue, qu'on devine ses désirs, ses volontés. Elle l'admire, elle tourne autour, elle tremble de le toucher trop fort. Elle le fait prendre par sa mère. Son admirable gaucherie fait sourire le témoin discret qui les observe en silence, et se dit que la jeune dame, pour avoir eu un enfant, n'est pas moins une demoiselle. Les vierges sont maladroites ; la grâce et la facilité n'arrivent guère qu'à celle qui est vraiment la femme, déjà assouplie par l'amour.

Eh bien, madame, puisque enfin vous êtes madame, déjà, y a-t-il donc tant d'années que vous n'êtes plus petite fille ? A quinze ans, s'il m'en souvient, sous prétexte d'essayer des modes, vous jouiez encore aux poupées. Même, quand vouz étiez bien seule (convenez-en), il vous arrivait de les baiser, de les bercer. La voici, la poupée vivante, qui ne demande qu'à jouer... Eh ! jouez donc, pauvre petite ! on ne vous regardera pas.

Jules Michelet, La Femme

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