25.6.12

Extraits de Michelet (3)

Garde-moi, aie pitié de moi, soutiens-moi … Je sens que j'enfonce … Si faible est ma [à la femme] volonté, que d'heure en heure elle glisse, et elle va m'échapper … Que dis-je ? C'est elle qui m'entraîne, et je n'ai de force que pour me noyer … Oh ! que j'ai eu tort d'être fière ! j'en suis punie. Je suis plus faible que n'était notre petit au berceau … Je t'en [le mari] supplie, prends-moi comme un enfant et traite-moi en enfant, car je ne suis que cela. Tu as été jusqu'ici trop bon pour moi, sois sévère et sois mon maître. Châtie-moi. Le corps maté, mortifié, me guérira l'âme … Il faut que je te craigne un peu, que j'aie peur … Meure ma volonté ! … Je n'en veux plus, je te la donne. C'est toi qui est ma volonté véritable et ma meilleure âme. Mais ne me quitte point d'un pas, pour qu'à chaque chose je puisse te demander si je la veux et si je dois la vouloir.
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Elle [la femme] veut un homme qui décide, qui ne soit pas embarrassé, qui croit, agisse ferme et fort, qui, même aux choses obscures, pénibles, ait la sérénité, la bonne humeur d'un courage invariable. Elle trouvera plaisir, ayant un homme, à pouvoir être une femme, à avoir pour sa foi, sa vie, un bon chevet (je ne dis pas trop mou) où elle s'appuie en confiance. A ce prix-là, de bien bon cœur, elle dit : "C'est mon maître." - Son sourire fait entendre : "Dont je serai maîtresse." Mais maîtresse en obéissant, jouissant de l'obéissance, qui, quand on aime, est volupté. (--La Femme)
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Il faut songer que l'homme a cent pensées, cent affaires. Elle [la femme] une seule, son mari. Tu dois te dire en sortant le matin : "Que fera ma chère solitaire, la moitié de mon âme, qui va m'attendre bien des heures ? […] Épargne, épargne ton enfant.
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La femme est née pour la souffrance. Chacun des grands pas de la vie est pour elle une blessure. Elle croît pour le mariage ; c'est son rêve légitime. Mais cette vita nuova, c'est l'arrachement de son passé.

Pour donner à l'amour l'infini du plaisir, il faut qu'elle souffre en sa chair. Combien plus, grand Dieu ! quand bientôt l'autre époux, l'autre amant, l'enfant, plus cruel, du fond de ses entrailles, reviendra déchirer son sein !
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Elle [la femme] est faible, elle est souffrante, et c'est justement lorsque ses beaux yeux languissants témoignent qu'elle est atteinte, c'est alors que ta chère sibylle plane à de grandes hauteurs sur des sommets inaccessibles. Comment elle est là, qui le sait ?
Ta tendresse y a fait beaucoup. Si elle garde cette puissance, si, femme et mère, mêlée de l'homme, elle a en plein mariage la virginité sibyllique, c'est que ton amour inquiet, enveloppant le cher trésor, a fait deux parts de la vie, - pour toi-même le dur labeur et le rude contact du monde, - pour elle la paix et l'amour, la maternité, l'art, les doux soins de l'intérieur. […]

C'est en lui sauvant les misères du travail spécial où s'usent tes jours, cher ouvrier, que tu la tiens dans cette noblesse qu'ont seul les enfants et les femmes, aimable aristocratie de l'espèce humaine. Elle est ta noblesse, à toi, pour te relever de toi-même. Si tu reviens de ta forge, haletant, brisé d'efforts, elle, jeune et préservée, elle te verse la jeunesse, te rend un flot sacré de vie, et te refait Dieu, d'un baiser.
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Madame, ne soyez pas parfaite. Gardez un tout petit défaut, assez pour consoler l'homme.
La nature veut qu'il soit fier. Il faut, dans votre intérêt, dans celui de la famille, qu'il le soit, qu'il se croie fort.

Quand vous le voyez baisser, attristé, découragé, le plus souvent le remède serait de baisser vous-même, d'être plus femme, et plus jeune, - même, au besoin, d'être enfant. - Second conseil : - Madame, ne partagez pas votre cœur.

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