25.6.12

Extraits de Michelet (2)

C'est le paradis du mariage que l'homme travaille pour la femme, qu'il apporte seul, qu'il ait le bonheur de fatiguer et d'endurer pour elle, qu'il lui sauve et la peine du labeur, et les froissements du monde.

Le soir, il arrive brisé. Le travail, l'ennui des choses et la méchanceté des hommes ont frappé sur lui. Il a souffert, il a baissé, il revient moins homme. Mais il trouve en sa maison un infini de bontés, une sérénité si grande, qu'il doute presque des cruelles réalités qu'il a subies tout le jour : "Oui, tout cela n'était pas. Ce n'était qu'un mauvais songe. Et tout le réel c'est toi !"

Voilà la mission de la femme (plus que la génération même), c'est de refaire le cœur de l'homme. Protégée, nourrie par lui, elle le nourrit d'amour. (--L'Amour)
 *

[…] Partout où elle reste femme, elle est généralement souffrante au moins une semaine sur quatre.
La semaine qui précède celle de crise est déjà troublée. Et dans les huit ou dix jours qui suivent cette semaine douloureuse, se prolonge une langueur, une faiblesse, qu'on ne savait pas définir. Mais on le sait maintenant. C'est la cicatrisation d'une blessure intérieure, qui, au fond, fait tout ce drame. De sorte qu'en réalité, quinze ou vingt jours sur vingt-huit (on peut dire presque toujours), la femme n'est pas seulement une malade, mais une blessée. Elle subit incessamment l'éternelle blessure d'amour.
*
[La femme] Mon ami, je ne suis point forte. Je ne suis pas propre à grand'chose, qu'à t'aimer et te soigner. Je n'ai pas tes bras nerveux ; et si je fais trop longtemps attention à une chose compliquée, le sang se porte à ma tête, le cerveau me tinte. Je ne puis guère inventer. Je n'ai pas d'initiative. Pourquoi ? Je t'attends toujours et ne regarde qu'en toi.
A toi seul, l'élan, l'aiguillon et aussi les reins, la force patiente, l'invention et l'exécution. Donc, tu seras créateur, et tu me feras un nid de ton génie et de ta force.
 *
Être belle ! mais pour une femme c'est le paradis, c'est tout. Si elle a le sentiment qu'elle te doit une telle chose, oh ! qu'elle cédera de bon cœur aisément sur tout le reste ; qu'elle sera ravie de te [le mari] sentir maître, trancher, décider de tout, lui épargner le plus souvent la fatigue de vouloir !
Elle reconnaîtra volontiers, ce qui est réel, que tu es son ange gardien, que tes dix ou douze ans de plus, ton expérience du monde, te font connaître mille choses dont tu peux la préserver, mille dangers où ses dix-huit ans, sa demi-captivité de jeune demoiselle, la laisseraient fort aveugle, et où, selon toute apparence, elle irait tête baissée.

L'amour est chose très-haute et très-noble dans la femme. Elle y met sa vie pour enjeu.
Chaque fois qu'elle consent à l'union et cède au désir de l'homme, elle accepte de mourir pour lui. […]
L'amour est le frère de la mort. On l'a dit et répété. Mais qui a sondé encore à quelle profondeur il est le frère de la douleur ? […]

Elle accepte tous les périls, la mort, l'infini de la souffrance, pour donner à celui qu'elle aime l'infini de la jouissance, la vie des siècles en un instant, l'abrégé de l'éternité.

"Sois heureux, et que je meure ! Sois heureux une seconde, et que j'en souffre à jamais !" C'est le mot qu'elle a dans le cœur.

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