15.5.14

L'Homme rend le bien

Je payai le pêcheur qui passa son chemin,
Et je pris cette bête horrible dans ma main ;
C'était un être obscur comme l'onde en apporte,
Qui, plus grand, serait hydre, et, plus petit, cloporte ;
Sans forme, comme l'ombre, et, comme Dieu, sans nom.

Il ouvrait une bouche affreuse, un noir moignon
Sortait de son écaille ; il tâchait de me mordre ;
Dieu, dans l'immensité formidable de l'ordre,
Donne une place sombre à ces spectres hideux ;
Il tâchait de me mordre, et nous luttions tous deux ;
Ses dents cherchaient mes doigts qu'effrayait leur approche ; 
L'homme qui me l'avait vendu tourna la roche ;
Comme il disparaissait, le crabe me mordit ;

Je lui dis : - Vis ! et sois béni, pauvre maudit !
Et je le rejetai dans la vague profonde,
Afin qu'il allât dire à l'océan qui gronde,
Et qui sert au soleil de vase baptismal,
Que l'homme rend le bien au monstre pour le mal.

-- Victor Hugo, Les contemplations

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